Le non-agir

« Tout changement est un changement du sujet dont on parle. »

César Aira

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La voie de la vie (2006) – Technique mixte sur papier – 65x50cm

Tous les malheurs de l’humanité proviennent, selon Laozi, non pas de ce que les hommes ont négligé de faire ce qui était nécessaire, mais de ce qu’ils font ce qui ne l’est pas ; de sorte que si les hommes pratiquaient comme il le dit le non-agir, ils seraient non seulement débarassés de leurs calamités personnelles, mais encore de celles inhérentes à toute forme de gouvernement, ce dont se préoccupe tout particulièrement le philosophe chinois. L’idée de Laozi paraît bizarre, mais il est impossible de ne pas être de son opinion quand on considère les résultats auxquels aboutissent les occupations de la grande majorité des hommes de notre temps. […]

Il suffit à l’homme actuel de s’arrêter un instant dans son activité et de réfléchir, de comparer les exigences de sa raison et de son cœur avec les conditions de la vie telle qu’elle est pour qu’il s’aperçoive que toute sa vie, toutes ses actions sont en contradiction incessante et criante avec sa conscience, sa raison et son cœur. […]

De sorte que pour la grande majorité d’hommes de notre monde, l’organisation de leur vie n’est pas le résultat de leur manière de voir et de sentir, mais de ce que certaines formes, nécessaires jadis, continuent d’exister à l’heure qu’il est uniquement par l’inertie de la vie sociale.

Léon Tolstoï

L’étonnant voyage

« Or il y a des mythes du passé et des mythes de l’avenir. Les « mythes de l’avant » projettent le sens de la nature, de la vie, de la société dans un très lointain passé, avant même le début du temps ; les « mythes de l’après » projettent ce sens loin dans l’avenir, jusqu’à la fin des temps. »

Tristan Garcia

La Vie magnétique (1991) – Technique mixte sur papier – 65x50cm

« Le temps est le rivage de l’esprit ; tout passe devant lui, et nous croyons que c’est lui qui passe. »

Antoine de Rivarol

Être et ne pas être

« Nous sommes à l’extrême bord de notre univers rationnel. Un pas de plus, un mot de plus, et c’est le commencement des abîmes, la logique de l’absurde, et l’évidence démontrée de la possibilité de l’impossible. C’est là qu’est Saint-Menoux. Et c’est là qu’il n’est pas. En même temps vivant et non-vivant, noir et blanc, sur la même face, lourd et léger du même poids, parti avant d’être venu… »

René Barjavel

Le voyageur imprudent (2020) – Technique mixte sur papier – Diptyque 60x80cm

Tous, aujourd’hui, nous disposons de moyens nous laissant croire que nous pouvons compenser nos failles, nos malheurs, nos échecs, non seulement en profitant sans compter des systèmes se proposant de plier le réel à nos désirs, mais plus encore par la pratique effrénée de la nouvelle passion contemporaine : l’expressivité. Celle qui permet, de façon plus ou moins enjolivée, de se raconter aux yeux des autres, de voir le moindre de ses propos recevoir des marques d’assentiment, de s’afficher publiquement en vue de signaler l’exceptionnalité de son existence, ou encore de dénoncer, dans la rancœur ou la rage, certaines expériences professionnelles, relationnelles ou autres et plus largement l’ordre du monde. Une pratique maintenant nous sauve : l’usage personnalisé et universalisé de procédés dotés d’une faculté cathartique. C’est cela qui ne cesse d’être cultivé — à satiété, et ad nauseam —, donnant le sentiment que, quoi qu’on vive, quelle que soit la rudesse du réel, un geste, à tout moment, est susceptible d’être engagé : celui d’organiser la narration souvent magnifiée de sa vie, de manifester son courroux à l’égard de personnes ou d’une situation persistante ou passagère, de se venger implicitement ou explicitement de tant d’humiliations vécues, d’éprouver une brève décharge d’intensité et de se trouver à chaque reprise, comme après la messe, le cœur lavé pour un moment. »

Éric Sadin – L’ère de l’individu tyran

Touriste se faisant « débrediner » au débredinoire de Saint-Menoux

Sarcophage contenant les restes de Saint Menoux, percé sur le flanc d’un trou en demi-cercle, dans lequel, selon la légende, les « simples d’esprit » et autres esprits tourmentés ou en souffrance viennent passer la tête pour y laisser leur « folie » ou tout simplement leurs maux de tête.

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bredinoire_de_Saint-Menoux

 

Le regard du peintre

« Mais la peinture est un langage, une langue pour les yeux et l’âme. La difficulté est qu’elle puisse émouvoir encore dans ce flot d’images. »

Femme nue assise à sa toilette (2020) – Technique mixte sur papier – 60x40cm

« Qu’est-ce que la peinture par rapport au regard ? Certains grands peintres comme Rothko ont résolu ça par le minimalisme. Moi, j’en ai rajouté, comme Giacometti en a enlevé. Mais c’est toujours par le regard que la peinture vit.

Je ne cherche pas le beau. J’ai un appétit en peinture aussi élémentaire que ça : je cherche l’autre, ce qui me tente chez les hommes et les femmes, le regard… »

Eugène Leroy

Les âmes modifiées

Nous vivons dans une société autophage où nous passons notre temps à nous bouffer les uns les autres au nom du pouvoir et de l’argent.

Paul Rebeyrolle

S’étant enrichie en biens échangeables à mesure qu’elle s’appauvrissait en biens non reproductibles (le pétrole, la diversité des espèces), l’Humanité est condamnée à se dévorer elle-même.

Bernard Maris

La société autophage. Capitalisme, démesure et autodestruction. Anselm JAPPE.

Le mythe grec d’Érysichthon nous parle d’un roi qui s’autodévora parce que rien ne pouvait assouvir sa faim – punition divine pour un outrage fait à la nature. Cette anticipation d’une société vouée à une dynamique autodestructrice constitue le point de départ de La Société autophage. Anselm Jappe y poursuit l’enquête commencée dans ses livres précédents, où il montrait – en relisant les théories de Karl Marx au prisme de la « critique de la valeur » – que la société moderne est entièrement fondée sur le travail abstrait et l’argent, la marchandise et la valeur.
Mais comment les individus vivent-ils la société marchande ? Quel type de subjectivité le capitalisme produit-il ? Pour le comprendre, il faut rouvrir le dialogue avec la tradition psychanalytique, de Freud à Erich Fromm ou Christopher Lasch. Et renoncer à l’idée, forgée par la Raison moderne, que le « sujet » est un individu libre et autonome. En réalité, ce dernier est le fruit de l’intériorisation des contraintes créées par le capitalisme, et aujourd’hui le réceptacle d’une combinaison létale entre narcissisme et fétichisme de la marchandise.
Le sujet fétichiste-narcissique ne tolère plus aucune frustration et conçoit le monde comme un moyen sans fin voué à l’illimitation et la démesure. Cette perte de sens et cette négation des limites débouchent sur ce qu’Anselm Jappe appelle la « pulsion de mort du capitalisme » : un déchaînement de violences extrêmes, de tueries de masse et de meurtres « gratuits » qui précipite le monde des hommes vers sa chute.
Dans ce contexte, les tenants de l’émancipation sociale doivent urgemment dépasser la simple indignation contre les tares du présent – qui est souvent le masque d’une nostalgie pour des stades antérieurs du capitalisme – et prendre acte d’une véritable « mutation anthropologique » ayant tous les atours d’une dynamique régressive.

Polyptyque du Jugement Dernier, van der Weyden (détail)

L’ère des insectes

« Nous sommes entrés dans l’ère des insectes et nous ne le savons pas encore. Nous sommes en train de mettre en place toutes les structures qui permettent aux insectes de fonctionner : l’instantanéité de l’information, la spécialisation des tâches, y compris de la procréation… »

Serge Rezvani 

Verrons-nous bientôt des essaims de criquets dans le ciel de Paris ?

Lampedusa a eu ce mot terrible: «Nous avons connu l’ère des grands fauves puis l’ère des hyènes et maintenant nous entrons dans l’ère des moutons.» J’ajoute aujourd’hui: «Arrive l’ère des insectes.» Sans nous en rendre bien compte, nous assistons à la mise en place des moyens qui présagent l’ère de l’homme innombrable. Abandonnant peu à peu la forme orale de communication propre aux animaux à sang chaud, nous privilégions déjà pour «communiquer» l’instantanéité des impulsions électriques de toutes les dimensions spatiales, qu’elles soient terrestres, souterraines, aériennes ou sous-marines. Compte tenu de notre taille et des espaces que notre voracité de possession et de mouvement recouvre, nous nous déplaçons à la vitesse des insectes. N’avons-nous pas réussi à produire entre nous et l’air qui nous entoure une carapace ressemblant à cette protection chitineuse aux reflets mordorés que les insectes sécrètent pour squelette? S’en remettant aux distributeurs d’images qui, en continu, l’alimentent et le stimulent, notre esprit, se détournant de ses possibilités d’intelligence, réclame ce qui fait choc, ce qui court-circuite toute réflexion. Le signal qui informe et alerte doit s’adresser directement aux nerfs logés sous le cortex. Ainsi relié à une centrale de distribution de ces chocs stimulants, notre entendement en atrophie s’en remet, sans débat et même, avec un entier abandon proche du plaisir d’inexistence, à ces impulsions qui disent: plus de plaisir, moins de plaisir, plus de peur, moins de peur, plus d’apaisement, moins d’apaisement, nous rendant solidaires de toutes les manipulations dont les responsabilités se trouvent diluées de telle sorte que nul ne sait quoi et qui entraînent cette nouvelle manifestation de réflexe collectif.

Là où les idéologies ou les religions n’ont pas réussi à nous fondre dans une forme unique et répétée, pour que plus jamais rien ne vienne marquer l’originalité d’être face à un autre, rêvant l’insecte, nous forçons aujourd’hui la serrure biologique, violant le gène, nous promettant cet homme indifférencié: l’homme en série, en refus du hasard, oui, l’insecte! L’un par milliards! Ainsi délivrés du haut et du bas, du je, du lui, de l’autre, réduits à l’indéfini du on, ne sachant si les pulsions qui nous gouvernent proviennent d’une pensée telle que l’espèce humaine pouvait la concevoir jusqu’ici, nous assistons à la mise en place des machines créées pour notre anéantissement ou pour notre annulation comme individus. Croyant nous référer à Descartes et à son mot d’ordre: «Maîtres et possesseurs de la nature!», nous nous inclinons devant les instruments de domination de la technologie. Sauf qu’au contraire de l’artiste créateur, le manipulateur de ces instruments soit déconstruit, soit refait les choses. C’est-à-dire propose une contre nature, n’ajoutant rien au monde » si ce n’est une caricature. Abandonnant l’imaginaire pour le concret, nous cherchons à accroître indéfiniment notre puissance, confondant puissance de destruction et puissance d’action, y voyant la preuve d’une souveraineté quand, à vrai dire, ayant perdu le sens et les lumières de l’éthique et de l’esthétique, nous cherchons l’apaisement de toutes les questions dans l’idée fixe d’un processus qui fonctionne, se répète » si possible perpétuellement.

Là où les sociétés d’insectes sont depuis longtemps parvenues, tend notre désir d’annulation. Seul le faire apaisant l’homme, c’est par le mouvement qu’il justifie sa présence face à cette nature dont il se proclame ennemi » puisque ennemie, dit-il. Ce refus de silence, de réflexion, cette nécessité de combattre toujours pour donner la réponse avant même que la question soit émise, l’homme s’en est toujours enorgueilli comme d’une spécificité purement masculine. Qu’aujourd’hui cette pulsion l’homme-nature la transcende dans des réalisations techniques d’un raffinement, ici aussi, digne des insectes, ne peut masquer l’extraordinaire grossièreté de cette détente ancestrale qui le fait agir. Que sa curiosité se soit affinée, qu’elle se prolonge dans des instruments d’une miraculeuse sensibilité n’enlève rien à la brutalité simiesque de la pulsion de domination qui le motive. Ce même mâle qui impose à sa femelle l’ablation du clitoris travaille aujourd’hui dans nos instituts de recherche biologique! Non seulement il rêve d’eugénisme mais surtout de s’emparer de la machine de reproduction elle-même. Sous prétexte de libérer la femme du pénible travail de gestation et de parturition, il promet l’avènement de l’utérus artificiel. Ce n’est pas par hasard si le professeur Jean Bernard s’amuse ainsi à anticiper: «Depuis 2050, l’oeuf humain peut mûrir, se développer entièrement dans des centres spécialisés, hors de l’utérus maternel. […] La femme du XXIe siècle, même la femme illettrée, même celle qui ne sait pas compter, a définitivement acquis la maîtrise de la reproduction. […] Le terme de grossesse a presque cessé d’avoir un sens. Et les jeunes femmes de 2082, libérées, ignorent les servitudes qui, pendant des millénaires, ont accablé leurs aînées.» Ce schéma, les entomologistes le connaissent. Il suffit de se pencher sur ces sociétés égalitaires, unisexuées » ou mieux encore asexuées que nous offrent les insectes pour «reconnaître» cet avenir dégagé de toutes «servitudes», de tout autre désir que celui de fonctionner comme un mécanisme dont le mouvement perpétuel rejoindrait en quelque sorte l’immobilité.

Etrange destin que celui de l’espèce humaine! Croyant se rebeller contre la nature, après un périple d’une fantaisie assez extraordinaire, nous voilà retombés du mammifère animé de sentiments, de rêveries, d’insatisfactions mélancoliques, à l’insecte fonctionnel, sans rêves et sans passions. Oui, ça ira, ça ira très bien! Puisque l’insatisfaction ­qui fait l’humain ­aura été éradiquée de ce «meilleur des mondes».

Serge Rezvani

Robert Duvall as THX1138 and Maggie McOmie as LUH 3417

LUH

They know. They’ve been watching us. I can feel it.

THX

They don’t know.

LUH

They’re watching us now.

THX

No one can see us now we’re alone.

THX 1138 Written by George Lucas

La superposition

Cormac McCarthy nous livre deux œuvres Méridien de sang (1985) et La route (2006) qui se répondent, en écho l’un à l’autre. L’un met en scène des barbares dans une réécriture de l’histoire du continent, donnant lieu à multiples massacres, et l’autre nous montre la fin de ce même non-lieu qu’est les États-Unis, alors qu’un homme et son fils, des victimes, se sauvent justement de ces actes de barbarie, essayant de rejoindre une communauté espérée. Les deux œuvres nous montrent deux quêtes du Sud, mais dans deux expressions de la chasse à l’homme: les victimes et les bourreaux; les Américains qui tuent tout sur leur passage, en tendant de se soustraire à toute éthique, toutes lois, se dégageant de l’ordre établi au Nord-Est d’un côté et les victimes père et fils qui tentent seulement de survivre sans se faire manger par les «sectes sanguinaires». Cette superposition des deux œuvres recrée ainsi le même cycle que celui explicité par Sosfky: « la violence crée le chaos et l’ordre crée la violence ». Cette dialectique tend à prouver que la violence s’engendre elle-même sans possibilités de l’exclure, toujours intrinsèquement liée à l’ordre, comme la fuite et la chasse le sont, l’une provoquant l’autre. Cormac McCarthy nous livre donc deux œuvres d’une grande beauté à travers une poétique de la dévastation et de la violence, tant sur le plan formel que dans leurs sujets.

Méridien de sang et la route (2019) – Encres sur carton gris – 80x60cm

Wolfgang Sosfky nous déploie dans son Traité sur la violence (1996) l’ampleur de la dynamique que la violence prend. D’abord, il nous introduit par un mythe des origines de la violence: les hommes, étant tous égaux, avaient peur les uns des autres. Ils arrivèrent donc à signer un contrat social, qui les contraignait au bien commun et qui les protégeait. Ce bien commun fut encadré par différentes lois et par différentes personnes qui se voyaient confier une tâche plus importante. Mais, les contraintes qui sévissaient finirent par agresser les gens, jusqu’à ce qu’un jour, ils se rebellent et brisent l’ordre établi. « À l’état de nature succèdent la domination, la torture et la persécution; l’ordre débouche sur la révolte et le massacre collectif ». Dans Méridien de sang, c’est plus précisément la problématique des chasseurs d’hommes et de massacres qui est mise de l’avant par les personnages qui sont des êtres froids sur qui toutes lois semblent imperméables, n’obéissant qu’à leur instinct qui les guident vers les tueries, vers ses «massacres collectifs», car « C’est l’expérience de la violence qui réunit les hommes ». […]

En effet, les meutes d’hommes décrites par Sofsky ont plusieurs objectifs, dont ultimement celui de chasser l’homme pour le manger. « La lutte pour la survie est inévitable. Ce qui caractérise l’absence de loi, ce n’est pas que chacun pratique constamment la violence, c’est qu’à chaque instant il puisse frapper, avec ou sans fin précise. » Donc, il s’agit de la peur permanente d’un possible bain de sang, d’une totale absence de confiance en l’être humain autre que soi. Cette peur de son prochain est aussi reliée à l’état de fuite permanent  dans lequel les personnages sont inscrits. Ils sont alors dénaturés puisque sans racines, sans liens de filiation quelconque: l’homme en fuite, poursuivi « ne perd pas que son environnement habituel, il perd aussi son lieu propre, le théâtre de son histoire personnelle et la culture matérielle qui en constituait le décor. Si jamais la fuite réussit et qu’il atteint quelque part un lieu sûr, c’est inévitablement un homme qui repartira de zéro. » Dans le cas qui nous intéresse, cet état perpétuel de fuite pourrait couper le personnage de toutes filiations.

Or, la relation à son fils est à la fois ce qui le pousse à continuer. La figure du fils est alors son passé et son avenir, mais aussi, ce qui le ramène à une humanité, le retient de toute violence. Le contrat social du mythe de Sofsky est exactement cette filiation: il s’agit d’un simple consensus entre le père et le fils qui délimite ce qu’il reste d’humain, de civilisé en eux : « Mais on ne mangerait personne? /Non. Personne. / Quoi qu’il arrive. / Jamais. Quoi qu’il arrive. / Parce qu’on est des gentils. / Oui. / Et qu’on porte le feu. / Et qu’on porte le feu. Oui. / D’accord. » Nous voyons ici le désir de prolonger un héritage, alors qu’il pourrait être facile de croire que dans un tel espace-temps, seule la barbarie peut exister. Néanmoins, la vie n’est pas possible, il s’agit avant tout de survie. Nous sommes en présence de personnage quasi mort-vivant. La destruction du monde dans La route semble être une réponse à la déchéance de Méridien de sang, car « Le massacre laisse des ruines, des cendres, des morts. Il détruit la vie, l’ordre, les choses de la culture ». C’est précisément dans ce décor que le père et son fils évoluent : « À flanc de collines d’anciennes cultures couchées et mortes. »  Or, la question venait déjà dans Méridien de sang : « Le vent salé du désert rongerait leurs ruines et il n’y aurait rien, ni fantômes ni scribe pour dire au voyageur sur son passage que des humains avaient vécu ici et comment ils y étaient morts. » Cette destruction totale du monde vient répondre au rêve de Holden, dans Méridien de sang qui dessine et annote afin « d’effacer toutes ces choses de la mémoire des hommes ». Alors, les pensées de père dans La route surviennent en écho : « Le nom des choses suivant lentement ces choses dans l’oubli. Les couleurs. Le nom des oiseaux. Les choses à manger. » Cela suppose un réel intertexte, puisque les textes se répondent.

MÉRIDIEN DE SANG ET LA ROUTE, SYMPTÔME D’UNE PERTE D’HUMANITÉ,

par Lauriane Lafortune (extraits)