Le souvenir et l’image

Sous l’histoire, la mémoire et l’oubli.

Sous la mémoire et l’oubli, la vie.

Mais écrire la vie est une autre histoire.

Inachèvement.

Paul Ricœur

Le violoncelle bleu (2021) – Huile sur feuille Imagine 350g – 100x70cm

On lit ceci dans la proposition 18 du Livre II de l’Éthique, « De la nature et de l’origine de l’âme » : « Si le corps humain a été affecté une fois par deux ou plusieurs corps simultanément, sitôt que l’Âme imaginera plus tard l’un des deux, il lui souviendra aussi des autres. » C’est sous le signe de l’association des idées qu’est placée cette sorte de court-circuit entre mémoire et imagination : si ces deux affections sont liées par contiguïté, évoquer l’une – donc imaginer –, c’est évoquer l’autre, donc s’en souvenir. La mémoire, réduite au rappel opère ainsi dans le sillage de l’imagination. (Éthique de Baruch Spinoza, tradAppuhn)

Paul Ricœur

Rostropovitch jouant une sonate de Bach au pied du Mur de Berlin.

« Je suis venu jouer ici pour que l’on se souvienne de tous ceux qui sont morts à cause de ce Mur ». Le 11 novembre 1989, le virtuose russe en exil Mstislav Rostropovitch saute dans un vol Paris-Berlin. Le vieil homme, son violoncelle à la main, se fraie un chemin au milieu de la foule exaltée rassemblée au Checkpoint Charlie, mythique point de passage entre l’est et l’ouest. Image qui a marqué les esprits et fait le tour du monde.

Le manque symbolique

«Le problème n’est pas ce que nous ne savons pas, mais ce que nous tenons pour sûr et certain et qui ne l’est pas.»

Mark Twain

Le drap blanc (2021) – Huile sur feuille Imagine 350g – 100x70cm

Le symbole n’existe efficacement que là où il introduit quelque chose de plus que la vie, quelque chose comme un serment, un pacte, une loi sacrée qui fait paraître la mort, la finitude et la conscience de la faute, non pas comme accidentelles, mais comme essentielles à la dignité ou à la singularité élective d’une destinée humaine. Alors que les symboles méthodologiques, comme l’algorithme, sont l’effet d’une convention préalable, les symboles traditionnels sont la source productrice des possibilités de toute convention, de toute liaison formatrice des sociétés proprement humaines dans la mesure où la fonction même de la parole oblige à intégrer la référence au mort (l’ancêtre, le dieu, l’absent) dans le pacte qui noue la relation entre les vivants.

Edmond Ortigues

Être et ne pas être

« Nous sommes à l’extrême bord de notre univers rationnel. Un pas de plus, un mot de plus, et c’est le commencement des abîmes, la logique de l’absurde, et l’évidence démontrée de la possibilité de l’impossible. C’est là qu’est Saint-Menoux. Et c’est là qu’il n’est pas. En même temps vivant et non-vivant, noir et blanc, sur la même face, lourd et léger du même poids, parti avant d’être venu… »

René Barjavel

Le voyageur imprudent (2020) – Technique mixte sur papier – Diptyque 60x80cm

Tous, aujourd’hui, nous disposons de moyens nous laissant croire que nous pouvons compenser nos failles, nos malheurs, nos échecs, non seulement en profitant sans compter des systèmes se proposant de plier le réel à nos désirs, mais plus encore par la pratique effrénée de la nouvelle passion contemporaine : l’expressivité. Celle qui permet, de façon plus ou moins enjolivée, de se raconter aux yeux des autres, de voir le moindre de ses propos recevoir des marques d’assentiment, de s’afficher publiquement en vue de signaler l’exceptionnalité de son existence, ou encore de dénoncer, dans la rancœur ou la rage, certaines expériences professionnelles, relationnelles ou autres et plus largement l’ordre du monde. Une pratique maintenant nous sauve : l’usage personnalisé et universalisé de procédés dotés d’une faculté cathartique. C’est cela qui ne cesse d’être cultivé — à satiété, et ad nauseam —, donnant le sentiment que, quoi qu’on vive, quelle que soit la rudesse du réel, un geste, à tout moment, est susceptible d’être engagé : celui d’organiser la narration souvent magnifiée de sa vie, de manifester son courroux à l’égard de personnes ou d’une situation persistante ou passagère, de se venger implicitement ou explicitement de tant d’humiliations vécues, d’éprouver une brève décharge d’intensité et de se trouver à chaque reprise, comme après la messe, le cœur lavé pour un moment. »

Éric Sadin – L’ère de l’individu tyran

Touriste se faisant « débrediner » au débredinoire de Saint-Menoux

Sarcophage contenant les restes de Saint Menoux, percé sur le flanc d’un trou en demi-cercle, dans lequel, selon la légende, les « simples d’esprit » et autres esprits tourmentés ou en souffrance viennent passer la tête pour y laisser leur « folie » ou tout simplement leurs maux de tête.

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bredinoire_de_Saint-Menoux

 

Lune rouge

Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger, de les goûter doucement ou voracement selon notre nature propre, de profiter de tout ce qu’ils contiennent, d’en faire notre chair spirituelle et notre âme, de vivre.

Jean Giono

Le fruit défendu (2020) – Technique mixte sur papier – 50x40cm

Le terme menstruation vient du mot latin mensis « mois » (proche du grec mene, la lune) qui évoque une parenté avec les cycles lunaires mensuels.

L’œil intérieur

Adam avait-il un nombril ?

Jacques Dutronc

H/F (2009) – Technique mixte sur papier – 80x60cm

Souvenir de notre vie utérine, nous aurions bien du mal à nous passer de notre nombril, même si après notre naissance, il ne sert plus à rien. Le nombril correspond à la cicatrice laissée par la chute du cordon ombilical, une dizaine de jours après notre naissance. Cicatrice universelle rappelant notre vie utérine, le nombril est une zone particulièrement symbolique de nos origines, de notre filiation et des premiers instants de notre vie. Le nombril nous rappelle aussi que nous sommes désormais des êtres indépendants.

Adam et Eve – Le Béatus de Saint-Sever (Manuscrit d’Apocalypse enluminé de style roman français du 11ème siècle – Paris, Bibliothèque Nationale)

Dans les Upanishads, un être humain est décrit comme une cité aux dix portes : les neuf portes (2 yeux, 2 narines, 2 oreilles, bouche, urètre, anus) conduisent au monde des sens ; le troisième œil étant la dixième porte censée nous conduire à un monde intérieur….

La couleur qui venait du ciel

Autrefois dans la culture traditionnelle chinoise, il y a environ 5.000 ans, la couleur jaune représentait la terre. Elle symbolisait la gloire, la noblesse, la sagesse, l’harmonie, le bonheur et la culture. Placé au centre des cinq éléments (l’eau, le feu, le bois, le métal, la terre), et de l’univers – d’après la théorie du Yin Yang – la couleur jaune était vue comme la première de toutes les couleurs. Symbole de la plus haute puissance, le jaune lumineux est devenu plus tard la couleur exclusive de la famille impériale, sous les dynasties Ming et Qing. Et les gens du peuple n’étaient pas autorisés à porter du jaune…

Chinese Disabled Arts Troupe