Comme dans un miroir

«  Dans la nature, tout a toujours une raison. Si tu comprends cette raison, tu n’as plus besoin de l’expérience. »

Léonard de Vinci

Le Rouge et le Noir reste à ce jour l’un des titres les plus énigmatiques de l’Histoire de la Littérature, sur lequel Stendhal n’a jamais voulu donner d’explication. Pourtant, il proposa dans son roman cette définition : « Un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Et l’homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé d’être immoral ! Son miroir montre la fange et vous accusez le miroir ! Accusez bien plutôt le grand chemin où est le bourbier, et plus encore l’inspecteur des routes qui laisse l’eau croupir et le bourbier se former. »

Basic & Rabbit au musée. (28-11-2020)

À travers la métaphore assimilant le roman à un miroir, Stendhal lance donc un défi implicite aux historiens du futur : comment à la fois faire « apparaître », « disparaître » et « conserver » dans un récit romanesque, la parole des hommes du passé à travers leur isolement individuel et leurs tentatives collectives, sans jamais décrocher de la réalité globale politique, économique et sociale en constante évolution « la vérité, l’âpre vérité » de la perspective temporelle 1 ?

1. La perspective temporelle, un concept introduit par le psychologue américain Philip G. Zimbardo, englobe l’orientation dans le temps (l’importance accordée au passé, présent, futur) et l’attitude (positive, négative, fataliste, hédonique) par rapport au temps passé, présent et futur.

Anne-Marie Meininger : « Ce titre a suscité tant d’interprétations, donne tant de sens au roman, qu’il paraît préférable de connaître plutôt l’explication de Stendhal lui-même, rapportée par Émile Forgues dans Le National du 1er avril 1842 : « Le Rouge signifie que, venu plus tôt, Julien (le héros du livre) eût été soldat ; mais à l’époque où il vécut, il fut forcé de prendre la soutane, de là le Noir. » Il semble que le nouveau titre écarte Julien de son simple destin individuel et en marque le fond politique, avec surtout le grand vol noir des soutanes, la puissante nuisance de la Congrégation. Après tout, c’est à cause de la lettre d’un prêtre que Julien finira guillotiné. »