César Aira
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Tous les malheurs de l’humanité proviennent, selon Laozi, non pas de ce que les hommes ont négligé de faire ce qui était nécessaire, mais de ce qu’ils font ce qui ne l’est pas ; de sorte que si les hommes pratiquaient comme il le dit le non-agir, ils seraient non seulement débarassés de leurs calamités personnelles, mais encore de celles inhérentes à toute forme de gouvernement, ce dont se préoccupe tout particulièrement le philosophe chinois. L’idée de Laozi paraît bizarre, mais il est impossible de ne pas être de son opinion quand on considère les résultats auxquels aboutissent les occupations de la grande majorité des hommes de notre temps. […]
Il suffit à l’homme actuel de s’arrêter un instant dans son activité et de réfléchir, de comparer les exigences de sa raison et de son cœur avec les conditions de la vie telle qu’elle est pour qu’il s’aperçoive que toute sa vie, toutes ses actions sont en contradiction incessante et criante avec sa conscience, sa raison et son cœur. […]
De sorte que pour la grande majorité d’hommes de notre monde, l’organisation de leur vie n’est pas le résultat de leur manière de voir et de sentir, mais de ce que certaines formes, nécessaires jadis, continuent d’exister à l’heure qu’il est uniquement par l’inertie de la vie sociale.
Léon Tolstoï