René Barjavel
Tous, aujourd’hui, nous disposons de moyens nous laissant croire que nous pouvons compenser nos failles, nos malheurs, nos échecs, non seulement en profitant sans compter des systèmes se proposant de plier le réel à nos désirs, mais plus encore par la pratique effrénée de la nouvelle passion contemporaine : l’expressivité. Celle qui permet, de façon plus ou moins enjolivée, de se raconter aux yeux des autres, de voir le moindre de ses propos recevoir des marques d’assentiment, de s’afficher publiquement en vue de signaler l’exceptionnalité de son existence, ou encore de dénoncer, dans la rancœur ou la rage, certaines expériences professionnelles, relationnelles ou autres et plus largement l’ordre du monde. Une pratique maintenant nous sauve : l’usage personnalisé et universalisé de procédés dotés d’une faculté cathartique. C’est cela qui ne cesse d’être cultivé — à satiété, et ad nauseam —, donnant le sentiment que, quoi qu’on vive, quelle que soit la rudesse du réel, un geste, à tout moment, est susceptible d’être engagé : celui d’organiser la narration souvent magnifiée de sa vie, de manifester son courroux à l’égard de personnes ou d’une situation persistante ou passagère, de se venger implicitement ou explicitement de tant d’humiliations vécues, d’éprouver une brève décharge d’intensité et de se trouver à chaque reprise, comme après la messe, le cœur lavé pour un moment. »
Éric Sadin – L’ère de l’individu tyran
Sarcophage contenant les restes de Saint Menoux, percé sur le flanc d’un trou en demi-cercle, dans lequel, selon la légende, les « simples d’esprit » et autres esprits tourmentés ou en souffrance viennent passer la tête pour y laisser leur « folie » ou tout simplement leurs maux de tête.
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bredinoire_de_Saint-Menoux