Être et ne pas être

« Nous sommes à l’extrême bord de notre univers rationnel. Un pas de plus, un mot de plus, et c’est le commencement des abîmes, la logique de l’absurde, et l’évidence démontrée de la possibilité de l’impossible. C’est là qu’est Saint-Menoux. Et c’est là qu’il n’est pas. En même temps vivant et non-vivant, noir et blanc, sur la même face, lourd et léger du même poids, parti avant d’être venu… »

René Barjavel

Le voyageur imprudent (2020) – Technique mixte sur papier – Diptyque 60x80cm

Tous, aujourd’hui, nous disposons de moyens nous laissant croire que nous pouvons compenser nos failles, nos malheurs, nos échecs, non seulement en profitant sans compter des systèmes se proposant de plier le réel à nos désirs, mais plus encore par la pratique effrénée de la nouvelle passion contemporaine : l’expressivité. Celle qui permet, de façon plus ou moins enjolivée, de se raconter aux yeux des autres, de voir le moindre de ses propos recevoir des marques d’assentiment, de s’afficher publiquement en vue de signaler l’exceptionnalité de son existence, ou encore de dénoncer, dans la rancœur ou la rage, certaines expériences professionnelles, relationnelles ou autres et plus largement l’ordre du monde. Une pratique maintenant nous sauve : l’usage personnalisé et universalisé de procédés dotés d’une faculté cathartique. C’est cela qui ne cesse d’être cultivé — à satiété, et ad nauseam —, donnant le sentiment que, quoi qu’on vive, quelle que soit la rudesse du réel, un geste, à tout moment, est susceptible d’être engagé : celui d’organiser la narration souvent magnifiée de sa vie, de manifester son courroux à l’égard de personnes ou d’une situation persistante ou passagère, de se venger implicitement ou explicitement de tant d’humiliations vécues, d’éprouver une brève décharge d’intensité et de se trouver à chaque reprise, comme après la messe, le cœur lavé pour un moment. »

Éric Sadin – L’ère de l’individu tyran

Touriste se faisant « débrediner » au débredinoire de Saint-Menoux

Sarcophage contenant les restes de Saint Menoux, percé sur le flanc d’un trou en demi-cercle, dans lequel, selon la légende, les « simples d’esprit » et autres esprits tourmentés ou en souffrance viennent passer la tête pour y laisser leur « folie » ou tout simplement leurs maux de tête.

https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9bredinoire_de_Saint-Menoux

 

St Pancras Old Church

Saint Cyprien (210-258) évêque martyr de Carthage :

« Les rayons du soleil sont nombreux, mais sa lumière est unique, nombreuses sont les branches de l’arbre, mais unique le tronc vigoureux, planté sur des racines tenaces, d’une seule source viennent bien des ruisseaux, et, bien que leur multiplicité ne découle que de la surabondance des eaux, leur origine est cependant unique. Il en est de même de l’Église. Illuminée de la lumière du Seigneur, elle répand ses rayons dans le monde entier ; mais une est sa lumière partout diffusée, sans que l’unité de son corps en soit morcelée. Ses branches couvrent la terre entière de leur vitalité exubérante, ses ruisseaux s’épanchent au loin avec largesse, pourtant unique est la tête, unique est la source. »

OLD ST PANCRAS